Le coup porté par la CJUE à la prime versée à un million de retraités avec enfants va créer un nouveau trou dans les comptes de la Sécurité sociale.

Le coup que vient de porter la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) au soi-disant « supplément de réduction de l'écart entre les sexes » perçu par près d'un million de retraités menace d'ouvrir un nouveau trou dans les comptes de la Sécurité sociale à un moment très délicat en raison de la pression que le départ massif à la retraite de la génération du baby-boom exerce déjà sur les dépenses.
Le gouvernement de Mariano Rajoy a créé cette prime en 2016 pour compenser l'impact sur les cotisations des femmes ayant eu des enfants. La Cour de justice européenne l'a jugé discriminatoire et en 2021, l'exécutif de Pedro Sánchez , avec l'actuel gouverneur de la Banque d'Espagne, José Luis Escrivá , à la tête de la Sécurité sociale, l'a modifié pour bénéficier aux deux parents, mais en imposant des exigences plus strictes aux pères.
La Haute Cour a maintenant confirmé que le supplément est discriminatoire car les mères le reçoivent automatiquement à la retraite, tandis que les pères doivent prouver qu'ils ont dû mettre leur carrière professionnelle entre parenthèses pour les enfants nés avant 1995 ou, après cette date, que leurs cotisations ont été réduites d'au moins 15 % par rapport aux années précédentes.
Le ministère de l'Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations a déjà mis ses services juridiques au travail pour analyser en profondeur la décision. « C'est très technique et complexe », explique le département désormais dirigé par Elma Saiz . Ils soulignent toutefois que « l’engagement du gouvernement à réduire l’écart de pension entre les sexes a été, est et restera inébranlable ».
Le ministère envoie ainsi « un message rassurant » aux 977.000 retraités qui perçoivent actuellement le complément (dont près de 90% sont des femmes). « La garde d'enfants continuera à donner droit aux femmes au supplément pour écart entre les sexes, et cela devrait continuer à bénéficier principalement aux mères qui travaillent lorsqu'elles accèdent à leur retraite », assurent des sources de la Sécurité sociale, qui insistent sur le fait que « les retraités qui le recevaient continueront à le faire ».
Bien que le gouvernement maintienne que des études et des statistiques confirment que l'éducation des enfants affecte négativement la carrière des femmes plus que celle des hommes, impactant directement un écart de salaires et de pensions, l'arrêt de la CJUE exige que la loi nationale soit adaptée à la législation européenne. Et même si cela n’ouvre pas nécessairement la porte à une compensation, puisque des sources juridiques excluent ses effets rétroactifs sur les demandes de retraite, cela entraînera inévitablement une augmentation des dépenses de retraite.
C'est ce qu'avertent des sources techniques connaissant bien l'impact de ce type de décisions sur les finances publiques : « Tout ce qui généralise les droits augmente les dépenses. » Il appartient désormais à l'Institut national de sécurité sociale (INSS) de réaliser des calculs d'impact, en fonction de la portée du nouvel amendement législatif attendu que le gouvernement devra approuver pour se conformer au mandat de la CJUE.
L'Union générale des travailleurs (UGT) prévient que la décision annoncée ce jeudi « comporte de graves risques ». Parmi elles, le syndicat souligne notamment « une augmentation des dépenses publiques consacrées aux retraites , en étendant la perception du complément de manière universelle et sans critères correctifs ». En outre, il met en garde contre la « dénaturalisation du complément d'écart entre les sexes , en éliminant l'approche d'action positive visant à compenser les effets de la discrimination structurelle subie par les femmes sur le marché du travail et dans la protection sociale ».
« Si la décision de la CJUE est confirmée sans réserve, non seulement la stabilité financière du système serait mise en péril , mais l'objectif même pour lequel ce complément a été créé : réduire l'écart de pension entre les sexes, serait vidé de son sens », insiste l'UGT. Le syndicat a demandé une réunion urgente avec le ministre Saiz pour évaluer l'impact de cette décision et convenir d'une réponse commune. Pour l'instant, le ministère refuse de dire s'il ouvrira un processus de négociation pour convenir d'une solution avec les employeurs et les syndicats.
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