Nudité interdite sur les marches du festival Cannes: depuis quand la Croisette est-elle plus prude que les tapis rouges de Hollywood?
La nouvelle charte dévoilée le 12 mai concernant le dress code sur les célèbres marches cannoises a ému les médias du monde entier. La fin d’une ère de liberté vestimentaire sur la Croisette?
«Pour des raisons de décence, la nudité est interdite sur le tapis rouge, ainsi que dans tout autre lieu du Festival.» Voilà les quelques mots extraits de la nouvelle charte du festivalier du Festival de Cannes qui ont tant ému la presse anglo-saxonne. «Quelle horreur!» écrit en français dans le texte, le Vogue US sur son site, avant de poursuivre: « À l’approche du Festival de Cannes 2025, la grande dame (encore en français, NDLR) des manifestations du cinéma a fait l’impensable : elle a interdit ce que beaucoup considèrent comme son gagne-pain, à savoir les tenues dénudées sur le tapis rouge.» Le Daily Mail se fend d’un article regrettant que «la bonne vieille décence jette une ombre sur le 78e Festival de Cannes lorsque la cérémonie annuelle débutera mardi soir».
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Il faut dire que les Américains (et leurs stars) sont très attachés à la fameuse «naked dress» comme ils disent. Sur les tapis rouges des Oscars, des Golden Globes et des Grammys, pas une cérémonie sans sa multitude d’actrices et d’influenceuses en robe de mousseline translucide ne laissant rien au mystère - la pionnière du genre étant Marilyn Monroe susurrant en 1962 Happy Birthday, Mister President, pour le 45e anniversaire de JFK, dans un fourreau de mousseline couleur chair brodé de cristaux.
Ainsi (court)– vêtues, les célébrités sont à peu près sûres de s’attirer les flashs des photographes et le buzz des réseaux sociaux. S’est donc lancée depuis quelques années une course à celle qui aura la tenue la plus «risquée» (le mot francisé pour dire «osé» dans la langue de Skakespeare). Rihanna et Kim Kardashian sont des coutumières du genre. Mais en février dernier, sur le tapis rouge des Grammy Awards, Bianca Censori arrive devant les photographes en manteau de fourrure que sur un ordre de son mari Kanye West, elle fait tomber au sol révélant une nuisette de tulle beige ne cachant rien de sa vertu. La scène choque le monde entier, autant pour la question de l’indécence que pour celle de la soumission à son compagnon.
Quoi qu’il soit, sa tenue, ou plutôt l’absence de tenue n’avait pas engendré de plainte officielle de la part des autorités californiennes. Porter une robe entièrement transparente n’étant pas considéré comme de l’exhibitionnisme puni par la loi aux États-Unis (comme en France). «Une accusation d’exhibitionnisme en Californie nécessite l’exposition publique volontaire de ses organes génitaux avec l’intention spécifique d’offenser ou d’exciter sexuellement », avait expliqué à Page Six l’avocate basée à Los Angeles Andrea Oguntula, reconnaissant tout de même que «la tenue de Mme Censori a sans aucun doute repoussé les limites».
« Rien n’est plus beau qu’un corps nu »
Yves Saint Laurent
Est-ce pour remédier à ce genre de performance de mauvais goût et donc de bad buzz que les autorités du festival de cinéma le plus connu au monde ont voulu cette année faire un rappel à la bienséance ? Ou veulent-ils recentrer les débats sur les films plutôt que sur ces fameuses Marches retransmises en mondiovision? «Cette année, le Festival de Cannes explicite dans sa charte des règles déjà appliquées de longue date, nous a fait savoir le service de presse de l’évènement. Il ne s’agit pas de réglementer les tenues vestimentaires mais d’interdire la nudité totale sur le tapis rouge, dans le respect du cadre institutionnel de l’événement et de la loi française.»
Alors, Cannes plus prude que Hollywood? Un comble quand on sait que, outre la longue histoire d’amour des stars cannoises avec les looks dénués, de la robe filet très échancrée de la Cicciolina en 1988 à la une robe en voile transparent Saint Laurent de Bella Hadid lors de l’édition 2024, la France a toujours accueilli à bras ouverts les audacieuses dévêtues. Citons parmi les robes transparentes qui ont marqué l’histoire, les «chemises à la reine» de Marie-Antoinette dessinées par Rose Bertin, sa ministre des Modes, et les robes «à la gréco-romaine» de l’impératrice Joséphine. Plus proche de nous, Jane Birkin dévoilant sous les flashs des photographes (et donc, sans le vouloir) ses seins nus et sa culotte sous une mini-robe transparente pour l’avant-première du film Slogan en 1969. Et bien sûr, le «nude look» d’Yves Saint Laurent de 1966 : une robe de mousseline noire ceinturée de plumes d’autruches cachant juste ce qu’il faut, au motif que «rien n’est plus beau qu’un corps nu,» selon le couturier des couturiers. Plus sur le tapis rouge de Cannes, faut-il croire.
lefigaro