«Ça sert à quoi d’être ici?»: prise de bec entre le commissaire Denis Gallant et l’avocat de Karl Malenfant

L’avocat de Karl Malenfant, Me Jean-François Bertrand, a vivement dénoncé les méthodes du commissaire Denis Gallant et des procureurs, provoquant une prise de bec publique lors de l’audience.
La tension est montée rapidement ce matin, alors que Karl Malenfant était interrogé sur une compensation qu’il avait accepté de verser à l’Alliance SAP-LGS pour le rapatriement à Québec de travaux de sécurité initialement réalisés en Inde.
L’Alliance estimait que ce rapatriement justifiait une augmentation du taux horaire de la main-d’œuvre, qui est passé de 82$ à 197$ de l’heure. Pourtant, selon le contrat, les employés ne devaient pas travailler en Inde, a rappelé le procureur de la commission. La société avait évalué que le risque d’incident lié à la manipulation ou à l’accès à des données nominatives confidentielles par des ressources situées à l’extérieur du Québec était très élevé.
Malgré cela, Malenfant a conclu une entente avec IBM et versé 3 M$ pour compléter la livraison du projet.
Selon lui, IBM prévoyait effectuer certains travaux liés à la conversion des données et à la sécurité applicative dans ses bureaux en Inde, afin de bénéficier d’un bassin de ressources expérimentées dans ces domaines. Les données devaient être anonymisées, mais l’outil prévu à cet effet ne fonctionnait pas au départ.
«Votre raisonnement, M. Malenfant, est évocateur. Il illustre une tendance qui se répétera plus tard, avec des proportions encore plus importantes. On a un contrat clair, une loi claire. IBM veut être dédommagé, et vous leur concédez un dédommagement. Ce n’est peut-être pas énorme, mais la graine est semée», a déclaré Me Thériault-Marois.
«Vous leur donnez un bonbon auquel ils n’ont pas droit, parce que vous voulez avancer. Et quand ils demandent la même chose pour la livraison deux, cette fois beaucoup plus coûteuse, c’est là que ça bloque.»
Cette affirmation a fait bondir Me Bertrand.
«Monsieur le commissaire, je suis obligé d’intervenir. Ce ne sont plus des questions, c’est de l’argumentaire. C’est la position du procureur», a-t-il lancé.
«Est-ce que je peux m’exprimer?», a-t-il demandé à Denis Gallant.
Il s’en est suivi une brève altercation.
«Vous ne pouvez pas intervenir. Je vous demande de vous asseoir», a tranché le commissaire, demandant à Malenfant de répondre à la question.
«Je déciderai si c’est de l’argumentation. Pour l’instant, je n’en vois pas. Votre client fait ça depuis trois jours.»
Offusqué, Me Bertrand a dénoncé ce qu’il perçoit comme une décision déjà prise par le commissaire.
«Ça sert à quoi d’être ici?», a-t-il lancé.Défense de Malenfant
Karl Malenfant s’est défendu de s’être contredit vendredi dernier, à la suite d’allégations de la commission qui l’ont fait mal paraître.
La semaine dernière, la Commission a révélé que Karl Malenfant avait eu en sa possession des informations commerciales sensibles et confidentielles qu’il n’aurait jamais dû obtenir. Confronté à ses contradictions, il s’est dit « étourdi » et « déstabilisé » par la preuve accablante déposée devant lui.
Quatre jours après la clôture du dépôt des soumissions en 2016 pour le contrat de transformation numérique de la SAAQ, Malenfant s’est envoyé à son adresse courriel personnelle le cahier de réponses de l’appel d’offres de Deloitte.
Ce document, hautement confidentiel, n’aurait jamais dû se retrouver entre ses mains, soutenait la preuve déposée par la Commission. Les soumissions devaient être analysées par des comités secrets dans le «bunker» de la SAAQ. Avant le dépôt de cette preuve, Malenfant avait soutenu sous serment qu’il n’avait pas eu accès aux informations concernant le choix de l’Alliance.
L’avocat de Malenfant a plaidé devant le commissaire Gallant que ces allégations étaient fausses. Karl Malenfant assure qu’il avait droit d’y avoir accès. Selon deux courriels déposés, il a demandé au gardien du processus contractuel, Yves Frenette, d’avoir accès à toutes les soumissions. À l’époque, il a obtenu l’autorisation.
Aujourd’hui, Malenfant affirme qu’il ne se souvenait pas qu’il avait eu droit, selon lui, à ces documents.
LE Journal de Montreal