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Elon Musk et son “harem de mères”

Elon Musk et son “harem de mères”

[Cet article a été publié pour la première fois sur notre site le 27 avril 2025, et republié le 9 mai]

La paternité occupe une place importante au sein du mouvement Maga [pour “Make America great again”, “Rendre sa grandeur à l’Amérique”]. Un jour qu’il chauffait la foule lors d’un meeting de campagne de Donald Trump l’année dernière, [l’ex-animateur de Fox News] Tucker Carlson a présenté le président comme un père sévère furieux du déclin du pays : “Quand Papa rentre à la maison, vous savez ce qu’il dit ? ‘Tu as été une vilaine fille, tu as été une vilaine petite fille et tu vas avoir une bonne fessée.’

Dans le même ordre d’idée, l’une des lignes de produits dérivés à l’effigie de Donald Trump les plus populaires affiche le slogan “Daddy’s home” [“Papa est à la maison”]. Les partisans de Trump l’imaginent volontiers dans une version conservatrice de la paternité, à base de domination et de châtiments.

Or le Parti républicain dispose désormais d’une version très différente de la paternité en la personne d’Elon Musk.

Selon un article paru récemment dans le Wall Street Journal, Elon Musk passe son temps à scruter l’horizon pour trouver de nouvelles mères pour ses enfants. Tous les moyens sont bons pour séduire les incubatrices potentielles : interactions sur X, messages privés, énormes sommes d’argent. Les femmes doivent signer un contrat juridiquement contraignant assorti d’une clause de confidentialité.

Conséquence, le nombre des enfants d’Elon Musk est inconnu, mais il se situe probablement bien au-dessus des quatorze bambins que l’on connaît déjà. Et leur géniteur ne semble pas avoir l’intention d’arrêter de semer ses graines.

Cependant, ce qui est peut-être plus intéressant que les contrats passés entre Elon Musk et son harem de mères, c’est l’absence de liens familiaux traditionnels entre les parties.

Elon Musk ne reconnaît manifestement que peu d’obligations et de responsabilités véritables entre les membres de la famille, s’il en reconnaît tout court, et encore moins d’obligations de soin et d’amour.

Les relations familiales se réduisent pour lui à de simples arrangements financiers, et la famille n’a certainement plus l’importance qu’elle revêt dans la conception conservatrice traditionnelle.

Après tout, il y a une différence entre être nataliste et être favorable à la famille. On connaît l’intérêt que porte Elon Musk au redressement du taux de natalité : il est en effet convaincu qu’un effondrement catastrophique de la population mondiale est imminent et que les personnes intelligentes doivent se reproduire davantage. (“Il veut vraiment que les gens intelligents fassent des enfants”, a confié Shivon Zilis, sa concubine favorite, à un biographe.)

Ce penchant pour l’eugénisme fait d’Elon Musk le membre le plus éminent de l’aile techno-libertarienne du mouvement nataliste qui a pour objectif d’engendrer des rejetons génétiquement supérieurs et diverge de la conception nataliste traditionaliste, avec laquelle elle coexiste.

Le clivage est bien réel : technologie contre tradition, avenir contre passé, reproduction contre famille. Bien que les traditionalistes soient largement issus de la base chrétienne conservatrice qui animait jadis le Parti républicain, les techies comme Musk disposent de davantage de ressources et de pouvoir aujourd’hui pour propager leur idéologie.

Cependant, même les partisans les plus acharnés de la philosophie reproductrice de Musk ne pourront reproduire l’ampleur de son empire dynastique. En effet, Elon Musk est particulièrement en mesure de financer ces arrangements familiaux qui réduisent, de fait, les relations familiales à de vulgaires liens financiers.

L’influenceuse conservatrice Ashley St. Clair, sa dernière compagne en date, a raconté à la journaliste du Wall Street Journal Dana Mattioli qu’il lui avait proposé un forfait de 15 millions de dollars, plus 100 000 dollars par mois de pension, si elle acceptait de signer avec lui un contrat l’obligeant à garder le secret sur leur arrangement.

D’après les personnes au fait des habitudes de Musk, c’est là une pratique établie chez le milliardaire : si la femme engage un avocat ou rend leur accord public, il la menace financièrement.

Quand Ashley St. Clair et lui se sont retrouvés devant le tribunal pour un test de paternité concernant leur enfant, il est revenu sur sa proposition de versement de 15 millions de dollars et a baissé sa pension à 40 000 dollars par mois (ce qui, pour être juste, représente toujours un revenu somptueux).

“La réduction du montant des versements intervient en période de désaccords concernant le test de paternité et la consigne de silence”, souligne Dror Bikel, l’un des avocats d’Ashley St. Clair dans l’article du Wall Street Journal. Et d’ajouter :

“La seule conclusion à tirer, c’est que [Elon Musk] utilise son argent comme une arme.”

L’argent semble, en effet, être le seul moyen par lequel Musk arrive à convaincre des personnes avec qui il n’a en réalité aucune intimité et dont les préférences et les préoccupations ne l’intéressent pas vraiment. Pour lui, la paternité s’arrête à la conception, quelques paiements mis à part.

Il n’existe apparemment aucune obligation ni responsabilité mutuelle entre Elon Musk et ses enfants, ni entre lui et les mères de ses enfants, et nul n’attend que ces liens grandissent ni que quiconque y trouve satisfaction.

Un assistant d’Elon Musk a déclaré à Ashley St. Clair que Shivon Zilis [cadre dirigeante de la start-up d’Elon Musk Neuralink et qui a eu quatre enfants avec lui] “oscillait entre satisfaction et insatisfaction” et que la chanteuse Grimes, une autre mère d’enfants de Musk, ne trouverait “jamais le véritable bonheur”.

Cela n’est guère étonnant. Les valeurs familiales d’Elon Musk semblent totalement détachées des liens usuels de l’amour familial.

Selon Dana Mattioli du Wall Street Journal, Elon Musk crée ce qu’Ashley St. Clair appelle des “drames de harem” : il accorde à certaines des mères de ses bébés, par exemple Zilis, un statut spécial tant financièrement que socialement, alors que d’autres, comme Ashley St. Clair, ont du mal à obtenir une réponse à leurs SMS ou, dans le cas de la chanteuse Grimes, à leurs messages désespérés postés sur X.

De même, Elon Musk s’intéresse plus activement à certains de ses enfants qu’à d’autres : par exemple il emmène régulièrement X Æ X-XII, le fils qu’il a eu avec Grimes, à ses apparitions publiques et aux événements protocolaires. Mais il a refusé que son nom apparaisse sur le certificat de naissance du fils d’Ashley St. Clair et n’a plus aucun contact avec sa fille transgenre, Vivian [dont la mère est Justine Wilson].

Alors que les générations précédentes de conservateurs considéraient la famille comme “un refuge dans un monde sans cœur”, les relations d’Elon Musk avec ses enfants et leurs mères semblent se caractériser par une forme de concurrence aux accents capitalistes.

Tout son “monde est conçu comme une sorte de méritocratie”, a expliqué l’assistant de Musk à Ashley St. Clair : c’est un monde où les “personnes qui font du bon travail” sont récompensées.

Elon Musk est suffisamment riche pour poursuivre son projet nataliste indéfiniment, et le monde est rempli de femmes en âge d’enfanter qui ne cracheraient pas sur 15 millions de dollars. Il est donc possible que ses descendants héritent un jour du monde entier.

Mais avant cela, il est possible qu’Elon Musk hérite du Parti républicain, qu’il a acheté et payé, et redéfinisse la conception même de la famille. Le bon vieux temps est révolu et remplacé par quelque chose de pire.

Courrier International

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