Réforme des retraites, budget : la presse de droite surjoue la panique à l’idée d’une justice fiscale minimale

Sortez les barricades, blindez les hôtels particuliers, les Rouges arrivent. Même plus en chars soviétiques, les fourbes. En 2025, l’enfer communiste est dissimulé dans un amendement au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Dans les médias libéraux, l’annonce de Sébastien Lecornu d’ouvrir la possibilité d’un décalage dans le temps de la réforme des retraites a suscité un vent de panique. Avec une dose remarquable de malhonnêteté.
« Ce n’est pas une suspension, c’est un abandon pur et simple », s’énerve François Lenglet sur RTL, l’éditorialiste économique estimant qu’en 2027, le futur président ne s’attaquera pas aux retraites. Sans dire que dans ce cas, la réforme, encore loin d’être suspendue, repartirait de plus belle.
Pour le Figaro, le premier ministre « sacrifie les retraites » avec cet hypothétique pas en arrière synonyme de « grand virage à gauche », selon les unes de mercredi et jeudi du quotidien de droite.
Ses éditorialistes vont encore plus loin. « Emmanuel Macron est revenu à la source de sa vie politique : le socialisme », tente Vincent Trémolet de Villers mercredi. Guère encombré par la rigueur journalistique, Gaëtan de Capèle déplore carrément l’« abandon de la réforme des retraites », une « faute impardonnable », sanctionne-t-il jeudi 16 octobre.
Les mensonges et l’alarmisme du Figaro cachent un virage idéologique, une volonté de détourner ses lecteurs de la droite macroniste, ainsi diabolisée, pour regarder vers l’extrême droite. L’armée d’éditorialistes du quotidien bientôt bicentenaire le prône plus directement hors de ses colonnes papiers.
Alexis Brézet, directeur des rédactions, enchaîne ses appels à « l’union des droites » sur Europe 1, la radio Bolloré. Sur BFM TV, mercredi, Arthur Berdah a adopté les éléments de langage du RN au moment de commenter la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu présentée comme « un discours de gauche socialiste ».
Le rédacteur en chef adjoint au Figaro reprend aussi les mots de Jean-Marie et Marine Le Pen en fustigeant l’ « UMPS », et en s’indignant que le premier ministre n’ait pas évoqué « l’ensauvagement qui menace la sécurité du quotidien ».
Mais le plus dur arrive pour ces semeurs de peur : renouveler leur vocabulaire quand il s’agira de commenter les propositions de la gauche sur le budget. Celle-ci promet de s’attaquer aux 211 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises mais aussi à l’injustice fiscale dont bénéficient les plus riches.
L’économiste Gabriel Zucman épouvante la presse de droite depuis plusieurs semaines pour avoir imposé « sa taxe » dans le débat public. Deux petits pourcents sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. L’apocalypse. « Au point où en sont les choses, nul ne peut jurer qu’une telle folie n’adviendra pas », tremble Gaëtan de Capèle.
Dans le Point, après avoir tourné sept pages de publicités de marques de luxe, on tombe sur un Franz-Olivier Giesbert en pleine réflexion : « Comment peut-on encore être de gauche ? »
Lui qui ne l’a jamais été reproche aux partis progressistes de réclamer la justice fiscale et sociale : « Le PS considère-t-il que les 35 heures n’ont pas fait assez de mal à l’économie française pour préconiser, en plus, une surfiscalité délirante, comme la taxe Zucman ? »
« Le pire est à venir, tout de suite, renchérit Rémi Godeau dans l’Opinion. Car en transférant la compétence budgétaire sur les seuls députés, le premier ouvre la voie au n’importe quoi. » Démocratie et lutte contre les inégalités, les deux mamelles de cette panique morale des néolibéraux.
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L'Humanité