Psychologie. Films d'horreur : pourquoi aimons-nous avoir peur ?

L'horreur cartonne que ce soit au cinéma avec des films qui sont de véritables succès au box-office ou dans la littérature avec notamment les livres de Stephen King, mais pourquoi donc aimons-nous avoir peur ?
28 ans plus tard, The black phone 2, Conjuring 4… Les films d’épouvante ont désormais la cote au point de devenir des films populaires. Conjuring, l’heure du jugement, de Michael Chaves, a d’ailleurs fait un démarrage record au box-office français en septembre dernier.
L’horreur cartonne au cinéma et le dernier livre du maître de l’épouvante – Stephen King – Plus noir que noir, est un best-seller. On s’est demandé pourquoi nous aimions tant avoir peur. Dans le dictionnaire Le Robert, la peur est définie comme une émotion qui accompagne la prise de conscience d’un danger, d’une menace. Ses synonymes ? Crainte, effroi, épouvante, frayeur, terreur. Rien de très engageant, donc.
Et pourtant, via les films, les livres, les manèges à sensation forte comme la bien nommée Tour de la terreur à Disneyland Paris, nombre d’entre nous recherchent cette étrange sensation, effrayante mais surtout divertissante, et qui nous permet de ressentir du plaisir malgré la peur.
Marc Malmdorf Andersen, neuroscientifique et chercheur au Recreational Fear Lab, un laboratoire danois dédié à l’étude des peurs récréatives propose sa définition de ce type bien spécifique de peurs : « des expériences et des activités dans lesquelles les gens tirent du plaisir de leurs émotions de peur ».
L’adrénaline, mais sans le stressPourquoi ? « L’excitation est la cousine de la peur », résume Rajita Sinha, docteure en psychologie et directrice fondatrice du Centre du stress de Yale University (Etats-Unis). Face à un danger, l’amygdale, la partie du cerveau qui déclenche la réaction face à la peur, provoque la libération d’adrénaline et de cortisol.
Chair de poule, accélération du rythme cardiaque, hausse de la tension artérielle, pupilles dilatées, tous les sens sont à l’affût. Si notre cerveau sait que l’on est en sécurité, il pourra alors profiter pleinement de l’ensemble de ces stimulations très excitantes.
C’est ce qu’exploitent les manèges horrifiques et les histoires de fantôme. « On comprend que ces expériences ont une fin. On sait que visiter une maison hantée, c’est juste pour s’amuser, qu’il n’y a que des gens déguisés. Mais ça stimule quand même la production d’adrénaline, d’endorphines et de dopamine. On ressent cette euphorie parce qu’on se sent en sécurité », développe la psychologue Chivonna Childs, sur le site de la Cleveland Clinic (Etats-Unis). On profite alors pleinement et seulement de l’adrénaline, sans le stress qui va habituellement avec.
La spécialiste poursuit : avoir peur sans danger réel, « améliore notre humeur (…) On se sent mieux avoir vu un bon film d’horreur ou visité une maison hantée ».
Autre intérêt de la peur récréative ? Des sensations fortes partagées collectivement, dans un cinéma, une attraction, lors d’une soirée films d’horreur entre amis, renforcent le lien avec les autres.
Dans leurs travaux, les scientifiques du Recreational Fear Lab ont d’ailleurs montré l’utilité de la peur récréative, au-delà du simple divertissement. Ainsi aiderait-elle à apprendre à gérer les aspects sombres de l’existence, le stress, l’anxiété, à connaître les zones obscures de ses émotions.
« On peut voir la peur récréative comme une inoculation contre la peur : une façon d’administrer une dose agréable de peur maîtrisée, permettant de développer résilience et capacités d’adaptation – et la nature nous a conçus de manière à rendre ce processus plaisant », illustre Mathias Clasen, chercheur, directeur du Recreational Fear Lab.
« Il est probablement bon pour les enfants – et même pour les adultes – de rechercher de temps en temps la peur récréative, de se challenger tout en acquérant des connaissances sur soi et en construisant sa résilience », poursuit-il.
Bien sûr, comme l’explique la psychologue Rajita Sinha, nous ne sommes pas tous égaux face à ces expériences effrayantes. L’âge et surtout l’histoire personnelle jouent un rôle essentiel dans la manière nous vivrons ces peurs récréatives. Ainsi un enfant ne saura pas faire la différence entre un vrai ou un faux danger. Tel ou tel autre film d’horreur pourra raviver des traumas passés.
Quel amateur de peur êtes-vous ?Nous ne sommes pas égaux face aux sensations fortes et nous ne sommes pas non plus les mêmes amateurs de peur. On ne cherche pas tous la même chose. Dans leurs travaux, les neuroscientifiques du Recreational Fear Lab distinguent trois types d’amateurs de peur :
- Les accros à l’adrénaline : « ils aiment le frisson et le ‘coup de fouet’ de l’horreur. Ils ressentent un boost d’humeur après l’expérience et sortent de l’attraction trempés de sueur mais heureux ».
- Les prudents : « ils aiment l’horreur, mais le défi réside dans le maintien de la peur à un niveau tolérable. Ils utilisent diverses stratégies pour réguler leurs émotions et estiment apprendre sur eux-mêmes et développer leurs compétences personnelles».
- Les dark copers, de « super-athlète de l’horreur » : « ils tirent tous les bénéfices, ressentant un boost d’humeur, une meilleure connaissance de soi et un développement personnel. Beaucoup utilisent l’horreur comme auto-médication, pour gérer l’anxiété ou traiter des symptômes dépressifs, et naviguent ainsi dans un monde qu’ils perçoivent comme effrayant ».
Source : The New Science of Recreational Fear par Mathias Clasen, Cleveland Clinic, Yale News Haven Health
Le Progres