Si la gauche en Europe agit en désordre sur la question des armes
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Un peuple désuni, entre ceux qui s’alignent sur le nouveau cours et ceux qui restent en arrière. C’est celle de la gauche européenne, victime collatérale de l’irruption de l’ouragan Donald Trump sur la scène internationale qui redéfinit les relations avec les alliés de l’OTAN, impliquant ainsi directement le Vieux Continent. Cela ne suit aucun ordre particulier : qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition, une partie du parti pousse à des investissements publics dans le secteur de la défense, l’autre s’y oppose catégoriquement et jette le gant au président des États-Unis. Qui continue tout droit quoi qu'il arrive. Washington exige que l’Europe fasse sa part et ne se repose pas sur ses lauriers dans ses efforts économiques destinés à l’Alliance atlantique, en faisant comprendre que, compte tenu de cet état de fait, elle est prête à la quitter. Londres, comme l’a annoncé hier le Premier ministre travailliste Keir Starmer, se prépare à la plus grande intervention depuis la guerre froide. Comme annoncé à la Chambre des communes, le Royaume-Uni s'est engagé à augmenter ses dépenses de défense à 2,5 % du PIB d'ici 2027 : un engagement, a assuré Starmer, qui durera jusqu'à la fin de la législature et qui se traduira par 13,4 milliards de livres supplémentaires par an pour le secteur militaire. Downing Street ne cache pas que le retour de Trump représente un tournant en ce sens et admet que le locataire de la Maison Blanche, où Starmer se rendra demain, a raison de réitérer que l'Europe « doit faire plus ».
DANEMARK Mette Frederiksen, cheffe du gouvernement social-démocrate danois, est sur la même longueur d’onde. 6,7 milliards d'euros sont prêts pour les deux prochaines années pour renforcer les forces militaires du pays, non pas par crainte d'une invasion du Groenland par Trump, mais pour faire face aux menaces russes. « C'est la sécurité du Danemark qui est en jeu », a déclaré M. Frederiksen, critiquant les coupes budgétaires des dernières décennies : « Cela ne doit plus jamais se reproduire. » L’histoire nous enseigne que la Pologne connaît très bien les menaces de Moscou, étant en état d’alerte maximale depuis le début de l’invasion de l’Ukraine il y a trois ans. Avec le programme lancé par le gouvernement de Donald Tusk, qui inclut des courants progressistes, Varsovie devrait être le pays le plus engagé dans les dépenses publiques de défense, en les portant à 4,7% du PIB : par rapport à son économie, elle deviendrait le plus grand « contributeur » à l'OTAN. En 2024 déjà, elle a consacré plus de 33 milliards, laissant derrière elle l’Italie, où le large camp PD-M5S cultive des idées très différentes.
La secrétaire démocrate Schlein n'a jamais caché son aversion pour les objectifs économiques de l'OTAN, à tel point qu'elle a salué en 2023 la proposition de l'ancien chancelier allemand Olaf Scholz de reporter de cinq ans l'objectif de 2% du produit intérieur brut pour les dépenses militaires. Trouver une position commune au sein du Parti démocrate est une mission impossible : entre les appels à une « ligne européenne commune » et les doutes sur le recul dicté par la direction, c'est la rupture générale. Plus irrédentiste est le Mouvement 5 étoiles de Giuseppe Conte, toujours en première ligne contre l'aide militaire italienne à Kiev : de l'argent volé, répète-t-il ponctuellement, à des familles en difficulté. Un passionné comme le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sanchez qui, contrairement à Starmer, renvoyait les messages de Trump à l'expéditeur. Pas d’accélération, Madrid ambitionne d’atteindre sereinement – en 2029 – l’objectif de 2% du PIB pour la défense : les 5% demandés par l’administration républicaine ne sont même pas envisagés. En 2024, il y en a alloué 17 milliards, dans cinq ans, il devrait passer à 36, mais nous en reparlerons.
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LE NOEUD DE BERLIN Quant à l'Allemagne, où l'hypothèse d'une Grosse Koalition entre CDU/CSU et SDP se concrétise, le nouveau chancelier Friedrich Merz entend tenir sa promesse électorale de dépasser la limite constitutionnelle de la dette publique pour détourner 200 milliards d'euros vers la défense : une somme énorme pour contribuer à l'indépendance européenne vis-à-vis de l'Amérique. Les sociaux-démocrates semblent y être favorables, comme l'a laissé échapper leur chef de groupe au Bundestag, Rolf Mützenich, renonçant ainsi de fait à la ligne Scholz. Mais il faut des votes : pour modifier un seuil d'endettement établi par la Constitution, il faut une majorité qualifiée des deux tiers du Parlement. Il ne faut pas compter sur l’extrême gauche : l’AfD, sceptique, resterait au pouvoir. Il y a un sentiment de perturbation dans l’air avec ce cyclone trumpien.
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