Le fonctionnement régulier des institutions

La démocratie est la forme. Tous les représentants devraient recevoir un t-shirt avec cette phrase imprimée le jour de leur investiture et, de plus, être tenus de le porter lors d'une séance plénière une fois par an pour s'en souvenir. Oublier que la démocratie est avant tout la forme, les règles, la répartition des pouvoirs et le respect des équilibres horizontaux et verticaux entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, c'est méconnaître le libéralisme et la capacité à rationaliser les décisions communes.
La décision de la Cour constitutionnelle sur le contrôle préventif de la loi sur les étrangers, demandée par le Président de la République, dans un ultime râle d'agonie par celui qui a eu un mandat oubliable et qui est désormais aliéné non seulement par la majorité des Portugais, mais aussi par les deux grandes familles politiques, est, de toute évidence, comme l'a écrit Gonçalo Almeida Ribeiro dans sa déclaration de vote, idéologique. Les conseillers du Palais Ratton sont avant tout des acteurs politiques, agissant en tant qu'agents des coalitions politiques qui les ont nommés. Mais attention, cher Gonçalo, les préférences idéologiques influencent les deux camps de manière égale. Ceux qui ont voté pour l'inconstitutionnalité l'ont fait pour des raisons idéologiques. Ceux qui ont voté pour la constitutionnalité l'ont fait pour la même raison idéologique, mais dans des directions opposées. Et heureusement que ce soit le cas. C'est ainsi que fonctionnent les institutions.
Lors de ma première carrière universitaire, alors que j'étais encore apprenti sorcier dans cet art qui a mérité le surnom de « science politique », j'ai rédigé une thèse sur la politique judiciaire. En ce mois d'août chaud, j'ai ressorti mon mémoire de master du fond de mon tiroir pour relire quelques points importants qui aideraient certains esprits politiques à garder leur sang-froid en ces temps difficiles.
La première leçon que j'ai apprise est, bien sûr, que la Cour constitutionnelle fonctionne comme un mécanisme « contre-majoritaire », agissant contre tout excès de pouvoir potentiel des majorités parlementaires. Évidemment, face à la possibilité que la Cour constitutionnelle bloque les souhaits d'une majorité élue par le peuple, certains soutiendront qu'il ne devrait y avoir aucun point de veto pour la majorité existante au sein du pouvoir législatif et que seul le peuple, lors des prochaines élections, devrait juger de ce qui s'est passé. Cela constituerait naturellement une dictature de la majorité et un paysage politique pratiquement débridé. La principale fonction de la Cour constitutionnelle est d'agir comme un agent de veto et de freiner les désirs de la majorité. De plus, son rôle est de « pacifier la politique », car, grâce à une image publique de neutralité – ou, du moins, moins politisée que les partis politiques –, elle peut servir de médiateur entre les acteurs politiques. Enfin, la TC a la capacité de « légitimer les politiques publiques » en mettant en conformité les souhaits des acteurs politiques aux préférences conflictuelles avec la loi supérieure : la Constitution.
La deuxième leçon se trouve dans un texte classique de Kelsen, écrit en 1928, dans lequel l’auteur allemand affirme que le concept de séparation des pouvoirs a pour objectif fondamental la possibilité d’un contrôle qui garantirait que « l’institution de la justice constitutionnelle n’est pas du tout en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs et correspond, au contraire, à son affirmation » (Kelsen, 2001 [1928] : 19).
Ces deux leçons soulèvent une question plus vaste : de quelle légitimité institutionnelle et politique la Cour constitutionnelle dispose-t-elle pour servir de mécanisme contre-majoritaire ? L’explication est simple : la politisation du processus de nomination de la Cour constitutionnelle. Ce mécanisme est la pierre angulaire de la légitimité de la Cour constitutionnelle. Les coalitions qui dominent le pouvoir législatif ont le droit de nommer les juges, garantissant ainsi l’alignement de la position idéologique de la Cour constitutionnelle sur celle du pouvoir législatif. Selon Tsebelis, l’absorption idéologique de la Cour par le cercle décisionnel restreint est garantie. Les juges deviennent ainsi partie intégrante de la chaîne de délégation politique. Il convient de citer un article de Morton de 1999, présenté à l’Institut canadien d’administration de la justice, dans lequel l’auteur décrit ce processus comme suit : « Les députés participent au recrutement, à l’examen et à la sélection des candidats [...] et la loyauté partisane des juges est un élément indispensable de ce processus. »
Lorsqu'on examine la constitutionnalité de la loi sur les étrangers, le problème central de la Cour constitutionnelle est clair : la position idéologique du juge médian ne correspond plus à celle du législateur médian. La répartition interne des pouvoirs au sein de la Cour constitutionnelle reflète toujours la majorité législative qui a nommé les conseillers actuels. À ce stade, le législateur médian se situerait entre le Parti socialiste (PS) et le Parti social-démocrate (PSD). La démocratie est renforcée par un décalage entre la composition de la Cour constitutionnelle et celle du pouvoir législatif. Ce décalage, bien que source de frictions, permet de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il est positif qu'à une époque où le représentant médian se situe quelque part au sein du groupe PSD, en raison du fort mouvement à droite des dernières élections, la Cour constitutionnelle reflète une composition plus modérée. J'imagine que de nombreux lecteurs trouvent déjà cela injuste. Cependant, il faut garder à l'esprit une chose : si la gauche remporte les élections d'ici quatre ans, la composition de la Cour constitutionnelle reflétera toujours la composition actuelle de l'Assemblée de la République, où Chega aspire légitimement à influencer de manière décisive la nomination de ses nouveaux conseillers. À ce moment-là, la situation s'inversera. Nous aurons une Cour constitutionnelle plus à droite que l'Assemblée de la République. Et ce sera une bonne chose. Cela contribuera au bon fonctionnement des institutions.
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